Le film en un plan

Cuiqiao est train de coudre à l’extérieur de la maison alors que Gu Qing vient juste d’y entrer. Elle vient d’avoir dans la scène précédente la confirmation de sa triste destinée, l’assurance d’être mariée de force très prochainement avec un inconnu plus âgé qu’elle. Alors Cuiqiao interroge Gu Qing sur son armée. “Y a-t-il des femmes soldats dans l’armée”, “Accepte elle les personnes qui savent chanter”, “L’armé est elle loin d’ici ?”, mais toutes ces questions qui semblent apporter l’espoir à Cuiqiao vont se conclurent par une bien mauvaise nouvelle. Gu Qing prépare ses affaires et va partir le lendemain. Cuiqiao qui est l’unique personnage à apparaître à l’écran (Gu Qing n’est qu’une voix qui vient de l’intérieur de la maison), passe de l’enthousiasme à la tristesse dans ce plan séquence réussi et très touchant.

Le film en une séquence

Gu Qing est sur le chemin du retour, il marche en uniforme tranquillement à travers les différents sentiers de la montagne alors qu’il vient de laisser derrière lui le frère de Cuiqiao qui a eu du mal à se séparer de lui. S'enfonçant dans un chemin plus en aval, il tombe sur Cuiqiao assise dans une pente les yeux baissés. Gu Qing s'arrête. Cuiqiao se lève et le rejoint. Les personnages sont maintenant filmés tour à tour et sont de trois quart à l’écran avec en fond la terre de la montagne et ses lignes obliques qu’elle dessine. La scène est très intense, c’est la dernière qui va réunir ces deux personnages. Ils échangent quelques regards sans un mot et soudain Cuiqiao dit comme un cri du désespoir à Gu Qing “Prends-moi avec toi !”. Ce cri se changera en chant lors d’une tentative ultime de Cuiqiao de convaincre Gu Qing de rester auprès d’elle.

Le film en une idée

Cuiqiao est une jeune fille de 13 ans, qui secrètement est une chanteuse hors pair. Elle chante le Xintianyou (信天游), un genre de chansons folkloriques du nord du Shanxi où les paroles sont courtes et toujours improvisées. Chen Kaige va ainsi pouvoir faire exprimer les états d'âme de Cuiqiao librement à travers ses scènes de chant alors qu’elle n’a guère droit à la parole au sein de la famille. On ne verra jamais vraiment Cuiqiao chanter à l’écran lorsqu’elle va chercher de l’eau à la rivière, celle-ci est souvent dans la pénombre, comme pour signifier que ce superbe don doit rester un secret, le but de Gu Qing étant de réécrire ces chants pour servir la cause communiste. Cette même rivière où elle chante, va prendre une tout autre signification à la fin du film.

Le film en un personnage

Cette terre du Shanxi, que le titre du film nous décrit comme jaune, cette terre qui semble terriblement aride en ce début de printemps 1939. Toute personne parait bien minuscule face à ces paysages immenses et les conditions de vie bien difficiles. La photographie du film étant assurée par un certain Zhang Yimou qui fait ses premiers pas en tant que directeur de la photographie. Il fait de la "terre jaune" le personnage principal du film. Dans bien des plans, c’est elle qui occupe la majeure partie de l’image, jusqu’à tronquer les protagonistes du film. Ceci semble extrement novateur pour l'époque.

Encore quelque chose…

Une superbe bande son composée par Zhao Jiping (赵季平) accompagne le film, Zhao Jiping a notamment composé les bandes originales de « Adieu ma concubine », « Vivre » ou encore « Épouses et concubines » (à écouter sur ce site). D'autre part « Terre jaune » est considéré par beaucoup comme film fondateur de la "nouvelle vague" chinoise, c'est le début de la cinquième génération du cinéma chinois. 

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