Le film en un personnage

Une femme réalisatrice chinoise, c'est toujours quelque chose d'un peu rare en Chine même si les choses changent et l'année 2017 a vu également la réalisatrice Vivian Qu (文晏) véritablement percée sur les grands écrans chinois. Sylvia Chang (张艾嘉) bénéficie elle bien sûr d'une énorme notoriété en Chine grâce à sa carrière d'actrice et peut se permettre d'être la scénariste et la principale interprète de son film. Elle y interprète Huiying, une mère venant de perdre sa mère, souhaitant à tout prix exaucer ce qu'elle pense être son dernier souhait, réunir son père et sa mère. Une femme courageuse, déterminée, un beau portrait de femme chinoise tout en subtilité avec ses faiblesses et son énergie débordante. On retiendra cette phrase sur un fond de musique de Cui Jian (崔健), lorsqu'elle demande à son mari “Pourquoi sembles-tu toujours heureux quand je suis triste ?”, et lui répondant “Parce que cela veut dire que tu tiens à moi”.

Le film en une idée

En pleine province du Henan (河南), province considérée comme l'un des berceaux de la civilisation chinoise, à l'histoire tumultueuse, la réalisatrice explore la famille chinoise à travers le regards de ses héroïnes féminines. La grand-mère qui s'en va en pensant rejoindre son mari, la mère qui a peur de voir partir sa fille unique, la première femme du grand-père qui veut rester aux cotés de la tombe de son mari et la fille qui ne sait pas si elle doit retenir son petit ami sont autant de points de vue auxquels chaque génération de femmes chinoises pourra s'identifier. Mais la réalisatrice veut surtout exprimer la difficulté d'être une femme dans la société, et c'est on ne peut plus clair, lorsque la fille arrive dans le village natal de son grand-père, telle une machine à remonter dans le temps celle-ci peut lire sur le haut d'une ancienne porte en pierre “坚徽节操. 妇职还兼. 慈亲即是. 洁振纲常”, littéralement “Rester chaste. Rempli son devoir. Etre une bonne mère. Honorer le deuil.” Ses mots lui semblent lointains, comme pour montrer le chemin parcouru, mais aussi comme un rappel que certaines idées perdurent dans la société chinoise.

Au-delà de son message féministe le film porte aussi un regard amusé mais tout de même critique sur la société actuelle chinoise, par exemple à travers un portrait au vitriol de la télévision ou encore de la complexité de l'état-civil chinois, mais aussi sur des choses plus légères, du quotidien comme l'usage du portable au sein de la famille.

La réalisatrice s'amuse des nouvelles habitudes au sein des familles chinoises
La réalisatrice s'amuse des nouvelles habitudes au sein des familles chinoises

Le film en une séquence

Huiying et son mari sont en voiture partis à la recherche d'un ancien bureau de l'administration où ce sont mariés ses parents. Arrivés sur place ils se retrouvent sur un parking à l'entrée d'un énorme chantier de construction, on comprend alors très vite qu'il ne reste plus rien de l'ancien quartier où ils ont grandi. Habillés en tenue de ville, Huiying et son mari pénètrent dans le chantier, la caméra prend de la hauteur, et on aperçoit un dédale d'immeubles en construction avec une tranchée en plein milieu, tout en avançant le mari se remémore alors l'école de sa fille, puis l'épicerie du coin, alors que Huiying est toujours à la recherche de l'emplacement du bureau, sans grand espoir de vraiment pouvoir le trouver mais avec le plaisir de faire remonter quelques souvenirs. 

Le film en un plan

Weiwei, la fille interprétée par Lang Yueting (郎月婷), jeune journaliste ambitieuse, hésite entre le point de vue de sa mère et celui de Laolao la première femme de son grand-père dans lequel elle semble se reconnaitre, tout en essayant de tirer profit de cette affaire familiale pour son travail. Un soir où Weiwei séjourne chez la vieille dame, les deux femmes sont couchées l'une derrière l'autre, Laolao au premier plan dans le seul lit de la vieille bâtisse. Laolao s'endort tôt comme il est coutumier à la campagne pour les personnes âgées, mais la jeune fille elle n'arrive pas à s'endormir. Elle lui propose alors de lui montrer la photo de son petit ami. La vieille dame réouvre les yeux et Weiwei lui demande ce qu'elle en pense et si elle devrait se marier avec lui. Au-delà du lien symbolique créé par ce plan entre deux générations de femmes, qui plus est n'ont pas de lien de parenté direct, mais plutôt une affection naturelle, c'est également une relation entre le monde rural et urbain qui est établie et une belle complicité naissante montrée à l'image.

Encore quelque chose…

L'acteur jouant le père n'est autre que le réalisateur Tian Zhuangzhuang (田壮壮), aujourd'hui 65 ans.

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