Le film en une idée

Sept ans après avoir réalisé tout seul dans son garage « Piercing I » (刺痛我) qui avait beaucoup impressionné, le réalisateur Liu Jian (刘健) revient avec « Have a nice day ». Titre profondément ironique puisque aussi bien en anglais qu'en chinois, on ne peut pas dire, que ce soit la franche rigolade dans cette ville de banlieue chinoise non identifiée, en tout cas pour les protagonistes puisque Liu Jian semble placer l'humour noir en leitmotiv.

Ici il n'y a pas de doute on est bien en Chine, on s'amuse à repérer chaque élément par-ci par là qui place l'action du film en plein cœur de la société chinoise d'aujourd'hui et son large panel de protagonistes nous donne un bon aperçu des gens vivant dans les conditions modestes des petites villes. L'histoire du film au premier abord peut sembler assez incroyable, Xiao Zhang vole à son patron un million de yuans pour corriger la chirurgie esthétique ratée de sa copine qu'il compte épouser. Mais cette histoire placer dans un contexte chinois a tout ce qu'il y a de plus réaliste. Même si Liu Jian reste fidèle à son univers de petits voyous du quotidien et de leur patron philosophe aux principes d'une autre époque, son vrai sujet est clairement la société chinoise actuelle. L'ensemble des protagonistes ont tous des rêves d'ailleurs comme le montre une scène loufoque très empreinte de pop culture mélangée au style d'anciennes imageries de propagandes chinoises, tout en renvoyant à la propagande actuelle de l'administration chinoise « Le rêve chinois ». Mais dans le film de Liu Jian, l'argent semble le seul et l'unique moyen de les assouvir. Cette idée est renforcée lorsque lors d'une conversation un ouvrier de chantier explique à son collègue sa définition de la liberté, une définition toute particulière puisqu'il lui explique qu'il y a différents niveaux de libertés, selon s'il a les moyens d'acheter au marché du coin ou sur internet, en somme seule la liberté de consommer reste accessible.

Le film en un personnage

Le patron de Xiao Zhang à qui il a volé un million de yuans. Liu Shu ou oncle Liu en français est un patron voyou d'une entreprise de construction, philosophe à ses heures perdues et pendant ses séances de torture d'anciens amis d'enfance. On peut remarquer que ce personnage a le même nom de famille que le réalisateur.

Liu Shu, le patron philosophe
Liu Shu, le patron philosophe

Le film en une séquence

Tout au long du film, l'animation impressionne par son minimalisme, certains plans ne sont presque tout simplement pas animés, si ce n'est par exemple la volute d'une fumée de cigarette, ou un détail qui bouge de façon isolée. Ce parti pris qui semble définitivement s'affirmé dans ce deuxième film, n'entrave en rien l'action du film qui souvent bénéficie de cette économie de moyen. On retiendra particulièrement une scène où Xiao Zhang retourne à sa chambre d'hotel et se retrouve nez à nez avec le tueur à gage vieillissant qui travaille aussi comme boucher au marché du coin. L'utilisation d'un bruitage sonore pour annoncer la présence du tueur mutique, celui-ci aspirant dans la paille de son gobelet à chaque nouvelle entrée dans la chambre, est maline. Le découpage sec de chaque plan est parfaitement maitrisé. Ajoutez à cela une touche d'humour quand le tueur reçoit un appel d'un commercial en investissements immobiliers alors qu'il est sur le point de trancher en morceaux Xiao Zhang, et vous obtenez une scène particulièrement efficace. Liu Jian dans cette touche d'humour, semble parler à ses compatriotes habitués aux solicitations de ce type et nous parle de la Chine où le boom de l'immobilier est toujours bien présent.

Le film en un plan

Un gros plan sur le décolleté de la seconde sœur de la petite copine de Xiao Zhang où son téléphone portable y est parfaitement calé. Ce plan donne bien la tonalité du film, nous sommes avec les petites gens de cette banlieue chinoise et le regard est mordant. 

Encore quelque chose…

Il pleut souvent et le ciel est gris dans cette ville chinoise, mais la bande-son écrite par le compositeur Dave Liang du groupe de musique électronique Shanghai restoration project apporte un peu de légèreté à l'ensemble. Notons également que l'ambiance sonore du film est tout à fait remarquable. Extrait ci-dessous.

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